Décret n° 96-97 du 7 février 1996

 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis

NOR : TASP9620056D

 

Le Premier ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, du ministre du travail et des affaires sociales et du ministre de l'environnement,
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 1, L. 2, L. 48, L. 49 et L. 772 ;
Vu le code pénal, notamment l'article R. 610-1 ;
Vu la loi n° 61-842 du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs
Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée fixant le statut de la copropriété ;
Vu la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ;
Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
Vu le décret n° 78-394 du 20 mars 1978 modifié relatif à l'emploi des fibres d'amiante pour le flocage des bâtiments ;
Vu le décret n° 78-1146 du 7 décembre 1978 concernant l'agrément des contrôleurs techniques et le contrôle technique obligatoire prévus aux articles L. 111-25 et L. 111-26 du code de la construction et de l'habitation, tels qu'ils résultent de la loi no 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction ;
Vu le décret n° 88-466 du 28 avril 1988 relatif aux produits contenant de l'amiante ;
Vu les avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France en date des 22 juin et 9 novembre 1995 ;
Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,
Décrète :

Art. 1er. - Le présent décret s'applique à tous les immeubles bâtis, qu'ils appartiennent à des personnes privées ou à des personnes publiques, à la seule exception des immeubles à usage d'habitation comportant un seul logement.

Art. 2. - Les propriétaires des immeubles mentionnés à l'article 1er doivent rechercher la présence de calorifugeages contenant de l'amiante dans ces immeubles. Ils doivent également rechercher la présence de flocages contenant de l'amiante dans ceux de ces immeubles qui ont été construits avant le 1er janvier 1980.
Pour répondre à ces obligations de recherche, et sous réserve que la présence d'amiante ne soit pas déjà connue, les propriétaires consultent l'ensemble des documents relatifs à la construction ou à des travaux de rénovation de l'immeuble qui sont à leur disposition.
Si ces recherches n'ont pas révélé la présence d'amiante, les propriétaires font appel à un contrôleur technique, au sens du décret du 7 décembre 1978 susvisé, ou à un technicien de la construction ayant contracté une assurance professionnelle pour ce type de mission, afin qu'il procède à une recherche de la présence de flocages ou de calorifugeages.
En cas de présence de flocages ou de calorifugeages et si un doute persiste sur la présence d'amiante, les propriétaires font faire un ou des prélèvements représentatifs par un contrôleur technique ou un technicien de la construction répondant aux prescriptions du précédent alinéa. Ce ou ces prélèvements font l'objet d'une analyse qualitative par un organisme compétent en microscopie optique en lumière polarisée, ou maîtrisant toute autre méthode équivalente, afin de vérifier la présence d'amiante dans le matériau.

Art. 3. - En cas de présence de flocages ou de calorifugeages contenant de l'amiante, les propriétaires doivent vérifier leur état de conservation.
A cet effet, ils font appel à un contrôleur technique ou à un technicien de la construction ayant contracté une assurance professionnelle pour ce type de mission, afin qu'il vérifie l'état de conservation de ces matériaux en remplissant la grille d'évaluation définie par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la santé, de la construction et de l'environnement. Cette grille d'évaluation tient compte notamment de l'accessibilité du matériau, de son degré de dégradation, de son exposition à des chocs et vibrations ainsi que de l'existence de mouvements d'air dans le local.

Art. 4. - En fonction du résultat du diagnostic obtenu à partir de la grille d'évaluation mentionnée à l'article précédent, les propriétaires procèdent :
- soit à un contrôle périodique de l'état de conservation de ces matériaux dans les conditions prévues à l'article 3 ; ce contrôle est effectué dans un délai maximal de trois ans à compter de la date de remise au propriétaire des résultats du contrôle, ou à l'occasion de toute modification substantielle de l'ouvrage ou de son usage ;
- soit, selon les modalités prévues à l'article 5, à une surveillance du niveau d'empoussièrement dans l'atmosphère par un organisme agréé en microscopie électronique à transmission ;
- soit à des travaux appropriés engagés dans un délai de douze mois.

Art. 5. - Les mesures de l'empoussièrement sont réalisées selon des modalités définies par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la santé, de la construction et de l'environnement. Ces mesures sont effectuées par des organismes agréés selon des modalités et conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé en fonction de la qualification des personnels de l'organisme, de la nature des matériels dont il dispose et des résultats des évaluations auxquelles il est soumis. L'agrément est accordé par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France.
Si le niveau d'empoussièrement est inférieur ou égal à la valeur de 5 fibres/litre, les propriétaires procèdent à un contrôle périodique de l'état de conservation des matériaux, dans les conditions prévues à l'article 3, dans un délai maximal de trois ans à compter de la date à laquelle leur sont remis les résultats du contrôle ou à l'occasion de toute modification substantielle de l'ouvrage ou de son usage.
Si le niveau d'empoussièrement est compris entre 5 fibres/litre et 25 fibres/litre, les propriétaires procèdent à un contrôle périodique de l'état de conservation des matériaux, dans les conditions prévues à l'article 3, dans un délai maximal de deux ans à compter de la date à laquelle leur sont remis les résultats du contrôle ou à l'occasion de toute modification substantielle de l'ouvrage ou de son usage.
Si le niveau d'empoussièrement est supérieur ou égal à 25 fibres/litre, les propriétaires procèdent à des travaux appropriés qui doivent être engagés dans un délai de douze mois.

Art. 6. - En cas de travaux nécessitant un enlèvement des flocages ou des calorifugeages contenant de l'amiante, ceux-ci devront être transportés et éliminés conformément aux dispositions des lois du 15 juillet 1975 et du 19 juillet 1976 susvisées.

Art. 7. - A l'issue des travaux et avant toute restitution des locaux traités, le niveau d'empoussièrement doit être inférieur ou égal à 5 fibres/litre. Si les travaux ne conduisent pas au retrait total des flocages et calorifugeages contenant de l'amiante, les propriétaires procèdent à un contrôle périodique de l'état de conservation de ces matériaux résiduels dans les conditions prévues à l'article 3, dans un délai maximal de trois ans à compter de la date à laquelle leur sont remis les résultats du contrôle ou à l'occasion de toute modification substantielle de l'ouvrage ou de son usage.

Art. 8. - Les propriétaires tiennent les résultats des contrôles effectués et la description des mesures prises en application du présent décret à la disposition des occupants de l'immeuble bâti concerné, des agents ou services mentionnés aux articles L. 48 et L. 772 du code de la santé publique ainsi que, le cas échéant, des inspecteurs du travail et des agents du service de prévention des organismes de sécurité sociale.
Ils communiquent ces informations à toute personne physique ou morale appelée à effectuer des travaux dans l'immeuble bâti.

Art. 9. - Les opérations définies aux articles 2, 3, 4 et 5 doivent être réalisées avant les dates limites fixées dans le tableau annexé au présent décret.

Art. 10. - Lorsque les obligations de réparation du propriétaire ont été transférées à une personne physique ou morale en application d'une loi ou d'une convention, les obligations édictées par les articles 2 à 9 du présent décret sont à la charge de cette personne.

Art. 11. - I. - Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe le fait, pour les personnes physiques visées au premier alinéa de l'article 2 et à l'article 10 du présent décret, de n'avoir pas satisfait aux obligations mises à leur charge par les articles 2 à 9 de ce décret.
II. - Les personnes morales visées au premier alinéa de l'article 2 et à l'article 10 du présent décret peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au I ci-dessus.
La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues à l'article 131-41 du code pénal.

Art. 12. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, le ministre du travail et des affaires sociales, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'environnement, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, le ministre délégué au logement et le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 7 février 1996.

 

ALAIN JUPPE Par le Premier ministre : Le ministre du travail et des affaires sociales, JACQUES BARROT Le garde des sceaux, ministre de la justice,
JACQUES TOUBON Le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, BERNARD PONS Le ministre de l'intérieur,
JEAN-LOUIS DEBRE Le ministre de l'environnement, CORINNE LEPAGE Le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation,
PHILIPPE VASSEUR Le ministre délégué au logement, PIERRE-ANDRE PERISSOL Le secrétaire d'Etat à la santé
et à la sécurité sociale,
HERVE GAYMARD