On
ne peut évoquer les quelques difficultés d'application auxquelles a donné
lieu la loi du 18 décembre 1996, dite "loi Carrez" (n°96-1107:
JCP N 1997,
n°6, p. 248), sans présenter, au préalable, deux
remarques. L'auteur de ce texte aurait pu lui donner une portée générale,
indépendante du statut juridique applicable au bien vendu. Telle n'est
pas la voie qu'il a choisie et la loi du 18 décembre 1996 modifie celle
du 10 juillet 1965, en redonnant un contenu à l'article 46 dépossédé
de toute substance par la loi du 28 décembre 1966. En d'autres termes,
c'est seulement si l'immeuble, dont dépend l'objet de la vente, est
soumis à la loi de 1965, que les dispositions de la loi de 1996
trouveront à s'appliquer. D'un point de vue pratique et pour rendre plus
aisée la mise en oeuvre du nouveau régime, il serait préférable de
cesser de qualifier le texte du nom de son auteur, et de se référer
uniquement à l'article 46, nouveau, de la loi de 1965. Il n'est peut-être
pas inutile de préciser, en outre, que toute vente, à quelque moment
qu'elle intervienne, fût-elle la dixième conclue après l'entrée en
vigueur de la loi de 1996, ouvrira à l'acquéreur les droits prévus par
l'article 46, dont les éventuelles négligences des acquéreurs antérieurs
ne sauraient le priver.
Sous le bénéfice de ces
deux remarques, l'Institut notarial de l'immobilier et l'Institut d'études
juridiques du Conseil supérieur du notariat ont apporté à diverses
questions posées par des confrères les réponses suivantes:
La
loi de 1996 s'applique-t-elle à la copropriété horizontale ?
Ainsi qu'on l'a souligné
dans les remarques préliminaires, la loi de 1996 a modifié l'article 46
de la loi du 1 0 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des
immeubles bâtis. L'alinéa 2 de l'article Il de la loi de 1965 dispose
qu'à défaut de convention contraire créant une organisation différente,
la loi est applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains,
des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties
ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs.
C'est en ces termes que la
loi de 1965 définit la " copropriété horizontale ". Dès
lors, la vente de tout bien dépendant d'une copropriété horizontale, au
sens qu'a donné à cette notion la loi en question, sera soumis aux règles
fixées par son article 46. Il va de soi qu'il faut entendre par "
bien ", tout bien " bâti ".
Les
"ventes en volumes" sont-elles concernées par la loi de 1996 ?
Notre droit positif ne fixe
pas, de façon claire, cette création de la pratique qu'est le "
volume ". Si la notion est couramment utilisée dans les transactions
immobilières, elle s'identifie, par une commodité de langage, avec celle
de " droit de superficie ". En fait, la cession de ce qu'on
appelle couramment un volume n'est pas autre chose que la cession du droit
d'édifier, dans un certain volume, des ouvrages.
Quel que soit le parti que
l'on prenne, quant à l'analyse juridique de cette notion, il est certain
que celui auquel on cède ce qu'on appelle, peut-être improprement,
" un volume ", n'acquiert pas un immeuble bâti, soumis, en tant
que tel, à la loi de 1965. Le texte de 1996 ne saurait s'appliquer à ce
type de mutation.
Il n'est pas sans intérêt
de souligner que les biens édifiés en vertu de la cession d'un "
volume ", peuvent parfois se trouver intégrés au sein d'une
copropriété. Leur statut est alors strictement identique à celui des
lots composant une copropriété. Ils se trouvent soumis à la loi de
1965, et, en particulier, aux dispositions de son article 46.
Existe-t-il
des contrats exclus du champ d'application de la loi Carrez ?
Une semblable question
n'aurait de sens que si le législateur s'était exprimé en termes généraux,
susceptibles d'interprétation. Il a, au contraire, choisi de fixer, de façon
non équivoque, les contrats concernés par le texte " Toute promesse
unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la
vente d'un lot... ".Seuls, les contrats ainsi visés entrent dans le
champ d'application de la loi.
La
cession de droits sociaux d'une " société d'attribution "
(titre II de la loi de 1971) est-elle soumise aux dispositions de la loi
de 1996 ?
Bien que donnant vocation à
l'attribution en jouissance, puis en propriété, de biens dépendant, le
plus souvent, d'un ensemble immobilier devant se trouver, un jour, soumis
au statut de la copropriété, les droits composant le capital d'une société
d'attribution demeurent des biens mobiliers. Sans doute sont-ils dotés,
par la loi fiscale, d'un régime spécifique qui tend, par certains
aspects, à les assimiler à des immeubles, mais ces règles propres ne
changent pas leur nature juridique. Leur cession ne saurait se trouver
soumise à la loi de 1996.
L'apport en société est-il soumis à la loi de 1996 ?
Un apport en société n'est
pas une vente. Il peut arriver qu'un apport soit rémunéré, en partie
par la remise de droits sociaux, et pour le surplus, par un paiement en
espèces, ou la prise en charge d'une dette de l'apporteur. On le qualifie
alors d'apport " mixte ". Et n'en demeure pas moins, pour
autant, un apport et n'entre pas dans la définition stricte de la loi de
1996. Il n'en irait autrement que s'il ne comprenait d'autre contrepartie
qu'un paiement en espèces ou la prise en charge d'une dette, mais il
s'agit là d'une hypothèse d'école, et le contrat en cause ne saurait être
qualifié d'apport, faute de conférer à rapporteur la qualité d'associé.
La
loi de 1996 s'applique-t-elle aux ventes en l'état futur d'achèvement ?
On l'a déjà souligné, la
loi de 1996 a apporté une modification à la loi de 1965 et c'est
seulement si le bien vendu dépend d'un immeuble soumis au statut de la
copropriété que ses dispositions trouvent à s'appliquer.
La loi de 1965 fixe le statut
de la copropriété des " immeubles bâtis ". Durant la période
de construction, il n'existe pas de copropriété. Sans doute la Cour
d'appel de Versailles a-t-elle, dans un arrêt rendu le 22 mai 1984 (RD
imni. 1984, p. 351, obs. Givord et Giverdon), décidé le contraire.
Toutefois, non seulement cette décision a été vivement critiquée par
la doctrine, mais encore, elle s'est trouvée infirmée par la Cour de
cassation (Cass. 3 civ., 15 nov. 1989 : Bull. civ,. III, n°214). On
peut également citer l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 12
janvier 1983 (D. 1983, inf. rap. p. 333, note Giverdon), selon lequel,
lorsqu'un immeuble a été édifié par une société d'attribution, la
copropriété naît à l'instant où disparaît la personne morale,
lorsque le partage en nature des biens construits peut être effectué, ce
qui implique qu'ils soient achevés.
La question ne soulève pas
de difficulté si la copropriété ne doit concerner qu'un seul immeuble:
celui-ci n'est soumis à la loi de 1965 qu'à compter de son achèvement.
Toute vente " en l'état futur ", intervenant avant cet achèvement,
échappe à la loi de 1996. En revanche, bien que soumise au statut des
ventes d'immeubles à construire (notamment en application de la théorie
dite " du voisin de palier ") la vente d'un lot dépendant d'un
immeuble achevé sera soumise à la loi de 1996. Ainsi qu'on l'a remarqué.
ce n'est pas la règle juridique particulière applicable au contrat qui
se trouve ici en cause, mais la question de savoir si l'immeuble est ou
non entré dans le champ d'application de la loi de 1965.
La question est plus délicate
à l'égard des ensembles comportant plusieurs bâtiments. Faire le point
de la jurisprudence, particulièrement complexe, rendue en cette matière,
est hors de propos. On se contentera de préconiser, à titre de mesure de
prudence, d'appliquer la loi de 1996, dès lors que le lot vendu, quoique
dépendant d'un ensemble immobilier non entièrement achevé, se trouve
dans un bâtiment achevé.
Dans
une copropriété horizontale (maisons individuelles), qu'en est-il des
caves, garages et emplacements de stationnement ?
La loi de 1996 a choisi de
prendre en compte la notion de " lot ". Tout ce qui est inclus
dans un lot est soumis à mesurage, avec les réserves, modalités et
exceptions tirant tant dans la loi que dans le décret d'application. En
d'autres termes, le fait que la copropriété soit horizontale ne modifie
pas la règle d'interprétation.
La
loi de 1996 et les contrats de location-accession.
Si la signature d'un contrat
de location accession intervient après le 19juin 1997, la loi de 1996
sera applicable, puisque le contrat en cause comporte, d'une part, un
bail, et, d'autre part, une promesse de vente. Elle ne devrait pas, en
revanche, s'appliquer à l'accession résultant d'un contrat passé avant
cette date.
La
loi de 1996 s'applique-t-elle à la vente, à un seul acquéreur, de la
totalité des locaux composant un immeuble?
Puisque tous les locaux
appartiendront à une seule personne, l'immeuble ne sera pas soumis au
statut de la copropriété, et, dès lors, la loi de 1996 ne le concernera
pas.
L'acquéreur
peut-il renoncer au bénéfice de la loi de 1996 ?
La loi de 1996 est d'ordre
public. Toute renonciation à son bénéfice serait sans effet.
En
cas de vente judiciaire, quel est le point de départ du délai de
l'action en réduction du prix ?
Le délai d'exercice de
l'action en réduction du prix commence à courir à compter du jour où
l'adjudication est définitive.
La
surface des WC, cabinets de toilettes et pièces fermées inférieures à
8 m2 , doit-elle être déduite de la superficie totale ?
La dispense de prise en
compte de la surface de certains locaux, figurant dans le décret du 23
mai 1997, ne concerne les locaux en cause qu'à la condition formelle
qu'ils constituent des " lots ". S'ils se trouvent à l'intérieur
d'un lot, comme en formant une partie non isolément identifiée, au même
titre que toutes les autres parties, la dispense édictée par le décret
ne les concerne pas.
Les
combles et greniers, clos et couverts, même s'ils ne sont pas aménagés,
d'une hauteur supérieure à 1,80 mètre, doivent-ils être pris en compte
pour le calcul de la superficie ?
Cette question appelle une réponse
affirmative.
Convient-il
d'opérer, dans l'acte, une ventilation du prix entre les lots soumis à
l'obligation de mesurage et les autres ?
Le texte est muet sur ce
point. En cas d'exercice de l'action en réduction du prix, à défaut de
ventilation dans l'acte, le tribunal se trouvera contraint de désigner un
expert pour procéder à cette ventilation. La procédure s'en trouvera
alourdie, en durée comme en coût. Vendeur et acquéreur ne manqueraient
pas de souligner que ces inconvénients eussent pu être évités et de
mettre en jeu la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte. Dans un
souci d'efficacité, il est préférable de procéder à cette
ventilation. Si les clients s'y refusaient, il ne faudrait pas manquer de
se ménager les moyens de prouver que la ventilation a été préconisée.
Faut-il
procéder à la ventilation du prix entre les parties d'un grenier inférieures
à 1,80 mètre de haut et celles qui sont supérieures à cette hauteur ?
Si les parties en cause ne
constituent pas des lots différents, il n'y a pas lieu de procéder à la
ventilation.
Doit-on
comprendre dans la superficie, les loggias, balcons et vérandas qui ont
été fermés par le vendeur ?
Oui, dès l'instant qu'ils
constituent désormais les locaux clos et couverts.
Le
notaire peut-il se contenter de mentionner dans l'acte la superficie
indiquée par le vendeur ?
La loi de 1996 n'édicte,
quant au contenu des actes, qu'une obligation nouvelle: mentionner la
superficie du lot vendu. Elle ne comporte aucune règle contraignant le
vendeur à faire opérer le mesurage des lieux. Le cédant peut donc se
contenter de déclarer quelle est, à sa connaissance, la contenance du
bien cédé, et le contrat devra faire mention de cette déclaration.
On pourrait penser que
l'information des parties se trouve suffisamment assurée, tant en ce qui
concerne les droits de l'acquéreur, qu'en ce qui concerne les risques du
vendeur, par la communication qui doit leur être faite, par le notaire,
du contenu de la loi de 1996 et de son décret d'application, selon les
modalités fixées par ce dernier.
C'est possible, mais la sévérité
dont les cours et tribunaux font preuve à l'égard des notaires, conduit
à informer spécialement le vendeur de l'étendue du risque qu'il encourt
en ne prenant pas le soin de faire appel à un professionnel qualifié
dont il pourrait mettre la responsabilité en jeu, en cas d'erreur se
traduisant finalement par une réduction du prix de vente.
Le notaire doit-il vérifier ou
faire vérifier la superficie indiquée par le vendeur ?
La loi de 1996 ne lui impose
aucune obligation à cet égard. L'attitude qu'il nous semble devoir
adopter figure dans la réponse à la question précédente.
Le
mesurage peut-il être effectué par l'acquéreur ?
Rien ne l'interdit puisque la
seule obligation résultant de la loi est d'indiquer la superficie dans
l'acte. Il convient, cependant, de souligner que les conséquences d'une
erreur seront toujours, en toute hypothèse, supportées par le vendeur. E
y a donc, au strict plan de l'équité, une contradiction à admettre que
l'acquéreur puisse, d'une part, procéder au mesurage, et d'autre part,
se prévaloir, ensuite, d'une erreur de contenance. La solution doit être
proscrite.
Une copie simple de l'acte authentique
peut-elle être remise aux parties avant ]'accomplissement des formalités
?
Cette question appelle une réponse
affirmative. On rappellera que la remise doit être faite aux parties, et
non seulement à l'acquéreur.
Qui
doit supporter le coût du mesurage ?
Cette question a suscité de
nombreux commentaires. Il parait sage de la ramener à ses dimensions qui
sont celles de la liberté des conventions. Il n'existe, en la matière,
aucune règle d'ordre public et les parties sont libres de décider ce
qu'elles veulent. Le problème devra être tranché, lors de la signature
de l'avant-contrat, de telle sorte qu'aucune difficulté ne puisse, ultérieurement,
survenir de ce chef.
Lorsqu'un
congé valant offre de vente a été notifié au locataire, qui ne l'a pas
accepté et qu'un avant-contrat est conclu avec un tiers, avant-contrat
mentionnant une superficie différente de celle figurant dans le congé,
une nouvelle notification doit-elle être faite au locataire ?
Cette question appelle une réponse
affirmative, dès l'instant où la superficie mentionnée dans
l'avant-contrat fait ressortir que la vente projetée, si elle se réalisait,
aurait lieu à des conditions plus avantageuses que celles proposées au
locataire dans le congé.
La
superficie doit-elle figurer dans les annonces publicitaires ?
La loi de 1996 est muette sur
ce point. On peut le regretter. Quoi qu'il en soit, les notaires qui décideraient
de mentionner la superficie dans les annonces devraient le faire, après
mesurage, afin d'éviter toute difficulté ultérieure.
Quel
est le délai pour intenter l'action en nullité ?
Un mois à compter de la
signature de l'acte de vente.
Dans
quelle partie du document hypothécaire normalisé doit figurer
l'indication de la superficie ?
Sur ce point, la Direction générale
des impôts a donné au Conseil supérieur du notariat la réponse
suivante : L'indication de la superficie constituant un élément se
rapportant à la désignation du lot de copropriété, objet de l'acte
soumis à la formalité de publicité foncière, cette mention s'inscrit
logiquement dans la première partie du document hypothécaire normalisé
à la rubrique intitulée " Désignation des biens - Nature et quotité
des droits concernés ".