La loi CARREZ

La loi du 18/12/96 impose la mention de la superficie privative dans tous les avant-contrats et contrats de vente.

Art. 46 “Toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot doit mentionner, à peine de nullité, la surface privative de ce lot ou de cette fraction de lot.” Le bénéficiaire en cas de promesse de vente, le promettant en cas de promesse d’achat ou l’acquéreur, peut invoquer cette nullité au plus tard à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de l’acte authentique définitif de vente... si la surface réelle est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte...”

Art. 4.1 “La superficie de la partie privative d’un lot ou d’une fraction de lot mentionnée à l’article 46 de la loi du 10/07/1965 est la superficie des planchers des locaux clos et couverts après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d’escalier, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Il n’est pas tenu compte des planchers des parties des locaux d’une hauteur inférieure à 1,80 m.

Art. 4.2 Les lots ou fractions de lots d’une superficie inférieure à 8 M2 ne sont pas pris en compte pour le calcul de la superficie mentionnée à l’article 4.1.

 


Avis du Conseil supérieur du Notariat sur l'application de la loi CARREZ
Par l'Institut d'études juridiques et l'institut notarial de l'immobilier


On ne peut évoquer les quelques difficultés d'application auxquelles a donné lieu la loi du 18 décembre 1996, dite "loi Carrez" (n°96-1107: JCP N 1997, n°6, p. 248), sans présenter, au préalable, deux remarques. L'auteur de ce texte aurait pu lui donner une portée générale, indépendante du statut juridique applicable au bien vendu. Telle n'est pas la voie qu'il a choisie et la loi du 18 décembre 1996 modifie celle du 10 juillet 1965, en redonnant un contenu à l'article 46 dépossédé de toute substance par la loi du 28 décembre 1966. En d'autres termes, c'est seulement si l'immeuble, dont dépend l'objet de la vente, est soumis à la loi de 1965, que les dispositions de la loi de 1996 trouveront à s'appliquer. D'un point de vue pratique et pour rendre plus aisée la mise en oeuvre du nouveau régime, il serait préférable de cesser de qualifier le texte du nom de son auteur, et de se référer uniquement à l'article 46, nouveau, de la loi de 1965. Il n'est peut-être pas inutile de préciser, en outre, que toute vente, à quelque moment qu'elle intervienne, fût-elle la dixième conclue après l'entrée en vigueur de la loi de 1996, ouvrira à l'acquéreur les droits prévus par l'article 46, dont les éventuelles négligences des acquéreurs antérieurs ne sauraient le priver.

Sous le bénéfice de ces deux remarques, l'Institut notarial de l'immobilier et l'Institut d'études juridiques du Conseil supérieur du notariat ont apporté à diverses questions posées par des confrères les réponses suivantes:


La loi de 1996 s'applique-t-elle à la copropriété horizontale ?

Ainsi qu'on l'a souligné dans les remarques préliminaires, la loi de 1996 a modifié l'article 46 de la loi du 1 0 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. L'alinéa 2 de l'article Il de la loi de 1965 dispose qu'à défaut de convention contraire créant une organisation différente, la loi est applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs.

C'est en ces termes que la loi de 1965 définit la " copropriété horizontale ". Dès lors, la vente de tout bien dépendant d'une copropriété horizontale, au sens qu'a donné à cette notion la loi en question, sera soumis aux règles fixées par son article 46. Il va de soi qu'il faut entendre par " bien ", tout bien " bâti ".


Les "ventes en volumes" sont-elles concernées par la loi de 1996 ?

Notre droit positif ne fixe pas, de façon claire, cette création de la pratique qu'est le " volume ". Si la notion est couramment utilisée dans les transactions immobilières, elle s'identifie, par une commodité de langage, avec celle de " droit de superficie ". En fait, la cession de ce qu'on appelle couramment un volume n'est pas autre chose que la cession du droit d'édifier, dans un certain volume, des ouvrages.

Quel que soit le parti que l'on prenne, quant à l'analyse juridique de cette notion, il est certain que celui auquel on cède ce qu'on appelle, peut-être improprement, " un volume ", n'acquiert pas un immeuble bâti, soumis, en tant que tel, à la loi de 1965. Le texte de 1996 ne saurait s'appliquer à ce type de mutation.

Il n'est pas sans intérêt de souligner que les biens édifiés en vertu de la cession d'un " volume ", peuvent parfois se trouver intégrés au sein d'une copropriété. Leur statut est alors strictement identique à celui des lots composant une copropriété. Ils se trouvent soumis à la loi de 1965, et, en particulier, aux dispositions de son article 46.


Existe-t-il des contrats exclus du champ d'application de la loi Carrez ?

Une semblable question n'aurait de sens que si le législateur s'était exprimé en termes généraux, susceptibles d'interprétation. Il a, au contraire, choisi de fixer, de façon non équivoque, les contrats concernés par le texte " Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot... ".Seuls, les contrats ainsi visés entrent dans le champ d'application de la loi.


La cession de droits sociaux d'une " société d'attribution " (titre II de la loi de 1971) est-elle soumise aux dispositions de la loi de 1996 ?

Bien que donnant vocation à l'attribution en jouissance, puis en propriété, de biens dépendant, le plus souvent, d'un ensemble immobilier devant se trouver, un jour, soumis au statut de la copropriété, les droits composant le capital d'une société d'attribution demeurent des biens mobiliers. Sans doute sont-ils dotés, par la loi fiscale, d'un régime spécifique qui tend, par certains aspects, à les assimiler à des immeubles, mais ces règles propres ne changent pas leur nature juridique. Leur cession ne saurait se trouver soumise à la loi de 1996.


L'apport en société est-il soumis à la loi de 1996 ?

Un apport en société n'est pas une vente. Il peut arriver qu'un apport soit rémunéré, en partie par la remise de droits sociaux, et pour le surplus, par un paiement en espèces, ou la prise en charge d'une dette de l'apporteur. On le qualifie alors d'apport " mixte ". Et n'en demeure pas moins, pour autant, un apport et n'entre pas dans la définition stricte de la loi de 1996. Il n'en irait autrement que s'il ne comprenait d'autre contrepartie qu'un paiement en espèces ou la prise en charge d'une dette, mais il s'agit là d'une hypothèse d'école, et le contrat en cause ne saurait être qualifié d'apport, faute de conférer à rapporteur la qualité d'associé.


La loi de 1996 s'applique-t-elle aux ventes en l'état futur d'achèvement ?

On l'a déjà souligné, la loi de 1996 a apporté une modification à la loi de 1965 et c'est seulement si le bien vendu dépend d'un immeuble soumis au statut de la copropriété que ses dispositions trouvent à s'appliquer.

La loi de 1965 fixe le statut de la copropriété des " immeubles bâtis ". Durant la période de construction, il n'existe pas de copropriété. Sans doute la Cour d'appel de Versailles a-t-elle, dans un arrêt rendu le 22 mai 1984 (RD imni. 1984, p. 351, obs. Givord et Giverdon), décidé le contraire. Toutefois, non seulement cette décision a été vivement critiquée par la doctrine, mais encore, elle s'est trouvée infirmée par la Cour de cassation (Cass. 3 civ., 15 nov. 1989 : Bull. civ,. III, n°214). On peut également citer l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 12 janvier 1983 (D. 1983, inf. rap. p. 333, note Giverdon), selon lequel, lorsqu'un immeuble a été édifié par une société d'attribution, la copropriété naît à l'instant où disparaît la personne morale, lorsque le partage en nature des biens construits peut être effectué, ce qui implique qu'ils soient achevés.

La question ne soulève pas de difficulté si la copropriété ne doit concerner qu'un seul immeuble: celui-ci n'est soumis à la loi de 1965 qu'à compter de son achèvement. Toute vente " en l'état futur ", intervenant avant cet achèvement, échappe à la loi de 1996. En revanche, bien que soumise au statut des ventes d'immeubles à construire (notamment en application de la théorie dite " du voisin de palier ") la vente d'un lot dépendant d'un immeuble achevé sera soumise à la loi de 1996. Ainsi qu'on l'a remarqué. ce n'est pas la règle juridique particulière applicable au contrat qui se trouve ici en cause, mais la question de savoir si l'immeuble est ou non entré dans le champ d'application de la loi de 1965.

La question est plus délicate à l'égard des ensembles comportant plusieurs bâtiments. Faire le point de la jurisprudence, particulièrement complexe, rendue en cette matière, est hors de propos. On se contentera de préconiser, à titre de mesure de prudence, d'appliquer la loi de 1996, dès lors que le lot vendu, quoique dépendant d'un ensemble immobilier non entièrement achevé, se trouve dans un bâtiment achevé.


Dans une copropriété horizontale (maisons individuelles), qu'en est-il des caves, garages et emplacements de stationnement ?

La loi de 1996 a choisi de prendre en compte la notion de " lot ". Tout ce qui est inclus dans un lot est soumis à mesurage, avec les réserves, modalités et exceptions tirant tant dans la loi que dans le décret d'application. En d'autres termes, le fait que la copropriété soit horizontale ne modifie pas la règle d'interprétation.


La loi de 1996 et les contrats de location-accession.

Si la signature d'un contrat de location accession intervient après le 19juin 1997, la loi de 1996 sera applicable, puisque le contrat en cause comporte, d'une part, un bail, et, d'autre part, une promesse de vente. Elle ne devrait pas, en revanche, s'appliquer à l'accession résultant d'un contrat passé avant cette date.


La loi de 1996 s'applique-t-elle à la vente, à un seul acquéreur, de la totalité des locaux composant un immeuble?

Puisque tous les locaux appartiendront à une seule personne, l'immeuble ne sera pas soumis au statut de la copropriété, et, dès lors, la loi de 1996 ne le concernera pas.


L'acquéreur peut-il renoncer au bénéfice de la loi de 1996 ?

La loi de 1996 est d'ordre public. Toute renonciation à son bénéfice serait sans effet.


En cas de vente judiciaire, quel est le point de départ du délai de l'action en réduction du prix ?

Le délai d'exercice de l'action en réduction du prix commence à courir à compter du jour où l'adjudication est définitive.


La surface des WC, cabinets de toilettes et pièces fermées inférieures à 8 m2 , doit-elle être déduite de la superficie totale ?

La dispense de prise en compte de la surface de certains locaux, figurant dans le décret du 23 mai 1997, ne concerne les locaux en cause qu'à la condition formelle qu'ils constituent des " lots ". S'ils se trouvent à l'intérieur d'un lot, comme en formant une partie non isolément identifiée, au même titre que toutes les autres parties, la dispense édictée par le décret ne les concerne pas.


Les combles et greniers, clos et couverts, même s'ils ne sont pas aménagés, d'une hauteur supérieure à 1,80 mètre, doivent-ils être pris en compte pour le calcul de la superficie ?

Cette question appelle une réponse affirmative.


Convient-il d'opérer, dans l'acte, une ventilation du prix entre les lots soumis à l'obligation de mesurage et les autres ?

Le texte est muet sur ce point. En cas d'exercice de l'action en réduction du prix, à défaut de ventilation dans l'acte, le tribunal se trouvera contraint de désigner un expert pour procéder à cette ventilation. La procédure s'en trouvera alourdie, en durée comme en coût. Vendeur et acquéreur ne manqueraient pas de souligner que ces inconvénients eussent pu être évités et de mettre en jeu la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte. Dans un souci d'efficacité, il est préférable de procéder à cette ventilation. Si les clients s'y refusaient, il ne faudrait pas manquer de se ménager les moyens de prouver que la ventilation a été préconisée.


Faut-il procéder à la ventilation du prix entre les parties d'un grenier inférieures à 1,80 mètre de haut et celles qui sont supérieures à cette hauteur ?

Si les parties en cause ne constituent pas des lots différents, il n'y a pas lieu de procéder à la ventilation.


Doit-on comprendre dans la superficie, les loggias, balcons et vérandas qui ont été fermés par le vendeur ?

Oui, dès l'instant qu'ils constituent désormais les locaux clos et couverts.


Le notaire peut-il se contenter de mentionner dans l'acte la superficie indiquée par le vendeur ?

La loi de 1996 n'édicte, quant au contenu des actes, qu'une obligation nouvelle: mentionner la superficie du lot vendu. Elle ne comporte aucune règle contraignant le vendeur à faire opérer le mesurage des lieux. Le cédant peut donc se contenter de déclarer quelle est, à sa connaissance, la contenance du bien cédé, et le contrat devra faire mention de cette déclaration.

On pourrait penser que l'information des parties se trouve suffisamment assurée, tant en ce qui concerne les droits de l'acquéreur, qu'en ce qui concerne les risques du vendeur, par la communication qui doit leur être faite, par le notaire, du contenu de la loi de 1996 et de son décret d'application, selon les modalités fixées par ce dernier.

C'est possible, mais la sévérité dont les cours et tribunaux font preuve à l'égard des notaires, conduit à informer spécialement le vendeur de l'étendue du risque qu'il encourt en ne prenant pas le soin de faire appel à un professionnel qualifié dont il pourrait mettre la responsabilité en jeu, en cas d'erreur se traduisant finalement par une réduction du prix de vente.


Le notaire doit-il vérifier ou faire vérifier la superficie indiquée par le vendeur ?

La loi de 1996 ne lui impose aucune obligation à cet égard. L'attitude qu'il nous semble devoir adopter figure dans la réponse à la question précédente.


Le mesurage peut-il être effectué par l'acquéreur ?

Rien ne l'interdit puisque la seule obligation résultant de la loi est d'indiquer la superficie dans l'acte. Il convient, cependant, de souligner que les conséquences d'une erreur seront toujours, en toute hypothèse, supportées par le vendeur. E y a donc, au strict plan de l'équité, une contradiction à admettre que l'acquéreur puisse, d'une part, procéder au mesurage, et d'autre part, se prévaloir, ensuite, d'une erreur de contenance. La solution doit être proscrite.


Une copie simple de l'acte authentique peut-elle être remise aux parties avant ]'accomplissement des formalités ?

Cette question appelle une réponse affirmative. On rappellera que la remise doit être faite aux parties, et non seulement à l'acquéreur.


Qui doit supporter le coût du mesurage ?

Cette question a suscité de nombreux commentaires. Il parait sage de la ramener à ses dimensions qui sont celles de la liberté des conventions. Il n'existe, en la matière, aucune règle d'ordre public et les parties sont libres de décider ce qu'elles veulent. Le problème devra être tranché, lors de la signature de l'avant-contrat, de telle sorte qu'aucune difficulté ne puisse, ultérieurement, survenir de ce chef.


Lorsqu'un congé valant offre de vente a été notifié au locataire, qui ne l'a pas accepté et qu'un avant-contrat est conclu avec un tiers, avant-contrat mentionnant une superficie différente de celle figurant dans le congé, une nouvelle notification doit-elle être faite au locataire ?

Cette question appelle une réponse affirmative, dès l'instant où la superficie mentionnée dans l'avant-contrat fait ressortir que la vente projetée, si elle se réalisait, aurait lieu à des conditions plus avantageuses que celles proposées au locataire dans le congé.


La superficie doit-elle figurer dans les annonces publicitaires ?

La loi de 1996 est muette sur ce point. On peut le regretter. Quoi qu'il en soit, les notaires qui décideraient de mentionner la superficie dans les annonces devraient le faire, après mesurage, afin d'éviter toute difficulté ultérieure.


Quel est le délai pour intenter l'action en nullité ?

Un mois à compter de la signature de l'acte de vente.


Dans quelle partie du document hypothécaire normalisé doit figurer l'indication de la superficie ?

Sur ce point, la Direction générale des impôts a donné au Conseil supérieur du notariat la réponse suivante : L'indication de la superficie constituant un élément se rapportant à la désignation du lot de copropriété, objet de l'acte soumis à la formalité de publicité foncière, cette mention s'inscrit logiquement dans la première partie du document hypothécaire normalisé à la rubrique intitulée " Désignation des biens - Nature et quotité des droits concernés ".